Avez-vous besoin d'aide maintenant?

Nous n’offrons pas de conseils, de consultations ni de traitements en matière de santé mentale. Si une personne que vous connaissez ou vous-même êtes en état de crise, veuillez communiquer avec l’équipe d’intervention d’urgence de votre communauté locale. Vous pouvez également appeler la Ligne d’écoute d’espoir pour le mieux être des Autochtones au 1 855 242-3310, le Service d’aide téléphonique pour les jeunes Noirs ( Black Youth Helpline) au 1-833-294-8650 ou Jeunesse, j’écoute au 1-800-668-6868.

Carrières dans le domaine de la santé mentale – Questions et réponses

La rédaction de ce billet de blogue est fondée sur des questions qui ont été posées par des membres de l’équipe Pros’Pairs SMS. Nous leur avions demandé s’ils avaient des questions au sujet des carrières en santé mentale. Bien que ces questions serviront à orienter d’autres projets, nous ne voulions pas laisser l’équipe Pros’Pairs SMS sans réponses. Nous avons donc tenu une réunion de type questions et réponses, avec trois panélistes, afin de répondre à certaines de leurs questions. Nous nous sommes dit que certains d’entre vous ont peut-être des questions similaires, alors nous avons décidé de les partager avec vous aussi! Voici quelques points saillants de la rencontre.

Avant de commencer, nous souhaitons vous informer que nos panélistes ont de l’expérience de travail en santé mentale et en éducation. Il existe un grand éventail de carrières en santé mentale, autant au sein du système d’éducation qu’à l’extérieur de celui-ci. Le présent billet présente les expériences de seulement quelques personnes; il ne vise pas à fournir une analyse approfondie de toutes les carrières qui existent dans le domaine de la santé mentale. Si une carrière en santé mentale vous intéresse, parlez à des adultes de confiance de votre entourage qui œuvrent dans ce domaine ou qui pourraient vous aider à en savoir davantage sur les nombreuses carrières qu’on y trouve.

Voici les panélistes :

Joyce Erogun

Joyce Erogun

Consultante responsable de l’engagement des élèves, des parents/aidants naturels, Santé mentale en milieu scolaire Ontario

Reah Shin

Reah Shin

Conseiller (ère) aux enfants et aux jeunes bispirituels et LGBTQIA+, Conseil scolaire du district de Halton

Susan Sweet

Susan Sweet

Consultante en littératie en matière de santé mentale des élèves et coach de soutien à la mise en œuvre, Santé mentale en milieu scolaire Ontario

Quel a été votre parcours postsecondaire?

Joyce – baccalauréat ès sciences avec spécialisation en psychologie et en santé; maîtrise en santé publique

Reah – baccalauréat ès arts avec spécialisation en soins aux enfants et aux jeunes; maîtrise ès arts, soins aux enfants et aux jeunes

Susan – baccalauréat ès arts avec spécialisation en psychologie; doctorat en psychologie clinique

Qu’est-ce qui vous a amenée à faire carrière dans le domaine de la santé mentale?

Susan – J’ai toujours su que je voulais faire carrière dans un domaine où je pourrais aider les gens. Je voulais mieux comprendre les gens et je trouvais la psychologie de la pensée intéressante. Je savais aussi que je préférais travailler auprès d’enfants et de jeunes qu’auprès d’adultes. J’ai donc été attirée par la carrière de psychologue pour enfants.

Joyce – En 11e année, j’ai suivi un cours appelé « APS », dans lequel on abordait l’anthropologie, la psychologie et la sociologie. Le professeur était incroyable et m’a vraiment ouvert l’esprit à tous ces domaines. À la maison, je partageais des choses apprises en classe avec mes parents. Leur réaction était du genre « Qu’est-ce que la santé mentale? » J’ai remarqué qu’il y avait un décalage entre ce que j’apprenais et la façon dont cet apprentissage se traduisait dans ma vie familiale. Ce décalage comportait un élément culturel puisque ma famille a immigré du Nigeria, et que la santé mentale n’était pas abordée dans leur enfance. Même si mes parents ne comprenaient pas ce que c’était, j’ai senti un profond attachement au domaine de la santé mentale. Je savais dès mon plus jeune âge que je parlais beaucoup trop pour être une professionnelle de première ligne en santé mentale, une personne qui soutient les personnes individuellement, mais j’adorais être avec les gens et j’étais fascinée par tout ce qui contribuait à faire de nous qui nous sommes. Je sentais qu’il y avait beaucoup à apprendre dans ce domaine et que je pouvais enseigner ce qu’est la santé mentale à d’autres personnes, par exemple aux membres de ma famille. Ce domaine semblait me convenir.

Reah – J’ai immigré au Canada de la Corée du Sud en 8e année. Pendant mes années scolaires, j’ai eu beaucoup de difficulté à trouver des personnes avec qui créer des liens significatifs. Cela m’a amenée à rencontrer des adultes très soutenants dans le système de l’éducation, notamment un conseiller d’enfants et de jeunes (CEJ) avec qui j’ai noué un lien très fort. Je savais que je voulais faire carrière dans un domaine où je pouvais aider des gens et explorer cette passion, et je trouvais que les soins aux enfants et aux jeunes me convenaient parfaitement.

Quels sont les inconvénients et les avantages de cette carrière?

Reah – Parmi les inconvénients de cette carrière, il y a le fait que ce n’est pas seulement un « travail »; il s’agit de la vie et des expériences de vie des gens. Parfois, j’absorbe une partie de leur énergie, et ça peut être vraiment lourd à porter.

En même temps, il y a plusieurs avantages. Ce travail me permet d’avoir une incidence, d’apporter des changements dans la vie des gens, et de soutenir les jeunes dans leur parcours. Cela remplit mon cœur, et c’est ce que j’aime le plus de mon travail. J’espère léguer un héritage aux systèmes d’éducation et de santé mentale en partageant ces moments avec vous.

Joyce – Je ne suis pas clinicienne comme Reah et Susan, alors la plupart du temps mon travail est lié à l’élaboration de projet et à la participation à ceux-ci. Parmi les désavantages, il y a le fait de travailler dans des systèmes rigides. J’ai parfois envie de faire des choses rapidement, mais dans les systèmes d’éducation et de santé mentale, les choses ne bougent pas très vite. C’est parfois frustrant.

L’avantage de mon travail, c’est que je suis témoin des résultats. Lorsque nous créons une nouvelle ressource ou un nouveau programme, j’ai la chance d’être témoin de son utilisation et je reçois des rétroactions à son sujet. C’est vraiment génial de voir que nos créations sont utilisées en temps réel.

Susan – J’ai été aux études longtemps, et je trouve qu’il y a encore de fausses idées au sujet de ce métier. Plusieurs personnes ne connaissent pas le contexte et ne savent pas ce que je fais. Il peut aussi être difficile d’établir des limites (par exemple, les gens peuvent parfois vous demander des conseils dans le cadre d’activités sociales). Ce travail peut aussi nous toucher profondément au niveau personnel et émotionnel. Il est donc important de prendre soin de nous. L’avantage de ce travail, c’est que nous abordons les vraies affaires. Lorsque je travaille avec des clients, je ne fais pas juste bavarder et aborder des sujets superficiels. Je parle de choses profondes, ce que la plupart des gens n’ont pas la possibilité de faire. J’apprends aussi toujours de nouvelles choses et la souplesse de mon poste m’a permis de travailler dans différents contextes. Je crois aussi que la santé mentale est importante et que ce travail a une grande valeur.

Comment vous adaptez-vous aux situations difficiles au travail?

Joyce – Je travaille souvent au sein d’équipes, ce qui implique de collaborer avec d’autres. Il est parfois difficile de travailler avec d’autres, mais je trouve qu’il est important de créer des liens avec les gens avant que des problèmes surviennent; si un conflit éclate, je peux alors leur parler de façon humaine, dans le cours d’une conversation, plutôt que les accuser en disant « Tu as fait… ». J’essaie de comprendre le point de vue de l’autre personne et d’aborder la situation d’une façon qu’elle puisse comprendre, de la rejoindre à son niveau. Je trouve qu’il est vraiment bénéfique de rencontrer les gens individuellement, dans une relation un à un.

Reah – Je suis tout à fait d’accord avec Joyce – il est très important de créer des liens avant que des problèmes surviennent! Une grande partie de mon travail est fondée sur les relations avec les élèves et avec mes collègues. Je suis habituellement la seule conseillère d’enfants et de jeunes à l’école; il arrive donc que je me sente très isolée et angoissée. Je trouve utile de cerner des acteurs clés à qui je peux demander de l’aide. Beaucoup de ces personnes sont mes mentors; ça aide beaucoup d’avoir des gens vers qui se tourner. Je pense aussi qu’il est important d’établir des limites et d’apprendre ce qu’est une limite. Je ne peux pas tout contrôler, et parfois j’ai besoin d’un rappel.

Susan – Si une situation est problématique, j’essaie de comprendre pourquoi et d’apprendre de celle-ci. J’essaie de rester en mode d’apprentissage – je me donne du temps et de l’espace pour réfléchir. Le fait d’avoir des collègues avec qui parler, ça aide aussi. Parfois, je dois me rappeler que les problèmes font partie du processus et que faire face à une situation malaisante peut s’avérer utile. Il est très important pour moi d’établir une limite entre mon travail et ma vie privée. L’utilisation d’une transition signalant la fin de ma journée de travail me rappelle que mon énergie doit maintenant être consacrée ailleurs. Faire une promenade ou simplement changer de vêtements peut suffire!

Comment établissez-vous des limites avec les gens qui se confient à vous à l’extérieur de votre travail?

Susan – Je travaille dans le domaine de la santé mentale chez les enfants et les jeunes. Comme plusieurs de mes ami(e)s ont des enfants, elles et ils me posent souvent des questions ou cherchent à obtenir certaines informations. Il est très important de développer de bonnes compétences en communication. J’essaie de toujours préciser à quel titre j’offre mes conseils ou mon opinion – à titre d’amie ou à titre de psychologue. J’essaie aussi d’être claire si le moment n’est pas idéal (par exemple si nous n’avons pas l’intimité nécessaire) ou si je ne me sens pas apte à aider à ce moment précis. J’ai trouvé quelques phrases clés qui m’aident à respecter mes limites tout en informant l’autre personne que je suis sensible à ce qu’elle partage avec moi. Une phrase comme ceci peut être utile : « Ce que tu partages avec moi est très important et je veux y accorder l’attention nécessaire. Est-ce qu’il est possible d’en parler demain? » Il m’arrive aussi d’aider les gens à trouver d’autres endroits où chercher de l’aide si je n’ai pas la capacité de les soutenir.

Reah – La communication, c’est tellement important. Souvent, je mets les gens en lien avec des personnes qui peuvent les aider, selon leurs besoins. Cela peut inclure, par exemple, de les aider à trouver un endroit où ils peuvent obtenir du soutien. Si nous parlons, cela veut dire que j’ai enlevé mon chapeau de conseillère et que je suis passée au mode amie ou famille. Je trouve aussi très important de savoir à quel moment je dois prendre du temps pour moi dans ces situations.

Elo* – Je repense au moment où le mouvement « Black Lives Matter » et la pandémie de COVID-19 étaient à leur plus fort – les limites étaient floues, au travail. Il y avait tellement de soutien offert aux communautés noires, autant à l’intérieur des heures de travail qu’à l’extérieur. Les professionnels en santé mentale offraient des services de soutien et aidaient les gens à trouver des ressources, entre autres. Durant cette période, je travaillais 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. J’ai fait ce choix parce que je ressentais le besoin de le faire. Je voyais que des gens de ma communauté étaient aux prises avec des difficultés, moi incluse, et je savais que nous devions nous soutenir mutuellement pendant cette période difficile. C’était ce qui importait pour moi. Il incombe souvent aux professionnels en santé mentale de déterminer s’ils ont le temps, l’énergie et la capacité d’apporter du soutien à l’extérieur des heures de travail. Personnellement, le fait de faire partie d’une communauté qui partage autant d’amour et de lumière me donnait l’énergie dont j’avais besoin pour continuer. *Elo est facilitatrice du groupe Pros’pairs SMS et elle a exprimé certains points de vue lors du webinaire.

Comment gérez-vous les situations dans lesquelles vous êtes fortement en désaccord avec les propos d’un client, ou dans lesquelles les propos du client vous bouleversent? Comment arrivez-vous à réorienter votre attention de manière à leur venir en aide?

Susan – Dans ce genre de situation, je crois qu’il est important de se demander « Est-ce que je dois remettre en question mon point de vue? » En psychologie, on doit souvent regarder les choses du point de vue de l’autre personne en se fondant sur ses expériences, ses valeurs, ses croyances et ses objectifs. Je pourrais me poser la question « Est-ce que j’ai quelque chose à apprendre? » ou « Est-ce qu’il y a quelque chose que j’ai besoin d’entendre? » Si la personne a fait quelque chose qui, selon moi, ne lui était vraiment pas bénéfique, j’aborde souvent le sujet avec curiosité, par exemple en disant « Est-ce que cette façon de faire fonctionne pour toi? » ou « Est-ce que cela concorde avec ce qui est important pour toi? » Si quelque chose de très troublant s’est produit, il faut décider si nous devons nous en occuper tout de suite ou y revenir plus tard. Il est aussi important d’évaluer si la relation fonctionne et si je suis la bonne personne pour aider mon client. Aucun professionnel en santé mentale ne possède toutes les compétences ou ne convient à tout le monde. C’est correct de se l’avouer et de se tourner vers d’autres personnes au besoin.

Reah – Lorsque le désaccord est en lien avec mon identité, c’est très difficile. L’un de mes premiers stages était au sein d’un organisme communautaire. Un des jeunes enfants qui s’y trouvait faisait des gestes qu’on associe au racisme contre les personnes d’origine asiatique. Ces gestes ont été un élément déclencheur pour moi. Je n’étais pas fâchée envers cette jeune personne, mais plutôt envers la société qui permet et normalise un tel racisme. J’ai vraiment essayé d’examiner cela d’un point de vue systémique – comment peut-on orienter les jeunes de manière à ce qu’ils puissent démanteler le système et la discrimination? Pour ce genre de situation, il est utile d’avoir au sein de son équipe des personnes soutenantes sur qui on peut s’appuyer.

Existe-t-il des situations qui font qu’une personne ne devrait pas faire carrière dans le domaine de la santé mentale?

Susan – Comme c’est le cas dans n’importe quelle carrière, il est important de tenir compte de certaines choses avant de décider que le domaine de la santé mentale nous convient. Voici certaines choses à prendre en compte :

Aussi, il est important de savoir qu’on retrouve plusieurs types de carrières dans le domaine de la santé mentale. Certaines personnes travaillent directement auprès des gens, d’autres enseignent, et d’autres font de la recherche. Il existe une multitude d’options, et il est possible de passer d’une option à une autre au fil d’une carrière. De plus, plusieurs carrières sont liées au domaine de la santé mentale, même si ce n’est pas l’élément central du travail. Il existe plusieurs façons d’aider.

Joyce – J’aimerais ajouter que certains cliniciens de Santé mentale en milieu scolaire Ontario (SMS-ON) travaillent directement auprès de clients quelques fois par semaine, en privé ou pour un organisme, en plus de travailler au sein de SMS-ON certains jours de la semaine. Leur carrière leur procure de la souplesse et leur permet d’aller chercher différents éléments dans le cadre de différents rôles. Il est important de maintenir un bon équilibre.

Reah – Lorsque j’ai appris, à l’école, en quoi consistait le travail de conseillère d’enfants et de jeunes (CEJ), j’ai posé des questions afin de savoir si je serais une bonne candidate pour ce travail. J’avais des doutes, je me demandais si je serais « capable » d’assumer une telle position. En cherchant, je suis tombée sur un article qui traitait de guérisseurs blessés et du fait que certaines personnes peuvent se servir de leurs expériences vécues et devenir de fantastiques professionnels capables de fournir des soins en santé mentale aux gens qui font face à des défis ou à des difficultés. Cet article a été une source d’inspiration pour moi et il m’a donné beaucoup d’espoir. Comme tout le monde l’a mentionné, il suffit d’essayer plusieurs choses pour voir ce qui fonctionne pour vous et de trouver un bon équilibre!