Lettre d’amour aux élèves noirs : 3e volet
Ce fut un honneur et un privilège absolu de participer à une conversation avec quatre collègues noires qui incarnent l’excellence. Patricia Codner, Tracey Grose, Toni Lauzon et Joyce Erogun ont accepté de nous faire part de certaines de leurs expériences et de nous communiquer des paroles de sagesse. Cette conversation a reflété des expériences diversifiées. Elle a démontré que la noirceur n’est pas monolithique et que l’unité réside dans la reconnaissance de nos similitudes et de nos différences, qui doivent toutes être célébrées.
Cet article de blogue est le premier d’une série de quatre articles tirés de cette conversation.
Faites la connaissance de nos collègues.
Patricia Codner
Je me nomme Patricia Codner et je travaille actuellement à titre de consultante en littératie et en matière d’engagement des parents et des aidants naturels au sein de Santé mentale en milieu scolaire Ontario, détachée* du Halton Catholic District School Board en tant que responsable des services sociaux. Je suis une femme noire. Je suis une fille, une mère, une épouse, une tante, une amie et une collègue.
Joyce Erogun
Je m’appelle Joyce Erogun. Je suis consultante à Santé mentale en milieu scolaire Ontario, où je joue le rôle de responsable d’équipe en matière d’engagement des élèves, des parents et des aidants naturels. Mes pronoms sont elle/elle. Je suis une femme canadienne de première génération d’origine nigérienne. Je suis une sœur aînée, une amie et une conjointe.
Toni Lauzon
Toni Lauzon. Mes pronoms sont elle/elle. Je me définis en tant qu’Afro-Autochtone, soit Noire et Mi’kmaw, pour être plus précise. Je suis une consultante en matière d’équité et d’affirmation identitaire dans le cadre de la santé mentale et une coach de soutien à la mise en œuvre ici à Santé mentale en milieu scolaire Ontario détachée* du Greater Essex District School Board.
Tracey Grose
Je me nomme Tracey Grose et je travaille à titre de travailleuse sociale en milieu scolaire depuis plus de 20 ans à Whitby, Ontario. Je suis une femme cisgenre et j’utilise les pronoms elle/elle. De descendance jamaïcaine, je suis consultante en matière de pratiques adaptées à la culture et une coach de soutien à la mise en œuvre ici à Santé mentale en milieu scolaire Ontario, détachée* du Durham District School Board.
*Détachée signifie que la personne travaille temporairement pour Santé mentale en milieu scolaire Ontario tout en étant considérée comme une employée de son conseil scolaire. Ce programme est semblable à un programme d’échange en milieu scolaire.
Que peuvent faire les écoles et les conseils scolaires pour célébrer l’excellence des Noirs dans leurs communautés scolaires?
Patricia : J’aime cette question, car je me replace dans mon établissement scolaire, au sein du conseil scolaire qui a été le mien pendant de nombreuses années, essayant d’intégrer ce concept à la pratique courante. On a conçu les écoles pour éduquer. C’est leur raison d’être. Par conséquent, elles peuvent aussi démanteler les enseignements historiques erronés et permettre de nouveaux apprentissages au sujet de la vérité, honorant les élèves noirs et leur faisant une place afin qu’ils soient vus et entendus — une perspective valorisante accompagnée de toutes les opportunités afin qu’ils atteignent l’excellence.Et je le répéterai toujours, être vus, entendus, appréciés, respectés et intégrés, car ce sont les éléments qui sont souvent absents et qui influencent les élèves noirs de nos jours.
Les écoles doivent intentionnellement faire une place aux élèves noirs, à leurs parents et aux aidants naturels afin qu’ils se sentent les bienvenus et créer un milieu qui nourrit un sentiment d’appartenance chez ces élèves. De plus, démontrer qu’ils sont précieux pour la communauté scolaire. Les établissements scolaires doivent afficher des images de tous les types d’élèves, démontrant qu’ils sont vus, estimés et appréciés, particulièrement dans le cas de nos élèves noirs.
Les écoles doivent favoriser un fort sentiment d’engagement chez les parents et les aidants naturels grâce à une politique de porte ouverte qui serait réceptive à des manières autres de vivre cette participation. Les écoles ont tendance à employer une vision eurocentrique de la participation. Nous devons l’élargir avec des points de vue diversifiés provenant des parents et des aidants naturels. Reconnaître que cette approche ne convient pas à tous. Les différences doivent être soulignées et célébrées. Le succès de tous les élèves réside dans leurs talents uniques, surtout les élèves noirs.
Procéder à des annonces quotidiennes qui sont le reflet de la communauté scolaire avec des occasions pour les élèves d’en apprendre davantage sur les autres cultures, les ethnicités et les races de manière positive et pour le personnel scolaire, d’être en mesure d’aborder le sujet des personnes noires en dehors du Mois de l’histoire des Noirs avec aisance. Je ne veux ni voir leur anxiété lorsqu’ils trébuchent sur ce dont ils doivent discuter lorsqu’ils abordent le sujet des élèves noirs ni ressentir leur inconfort à prononcer le mot Noir. Il semble que cet inconfort provient du fait que le mot Noir évoque une connotation négative dans leur esprit. Nous devons changer ce discours intérieur.
Au début de l’année scolaire, le personnel enseignant peut reconnaître et honorer l’humanité des élèves noirs présents dans la classe. De plus, les écoles peuvent offrir de manière délibérée tout le soutien nécessaire aux élèves noirs. Reconnaître que le racisme systémique continue de causer des torts aux élèves sur les plans éducatif, social, comportemental, mental, émotionnel et financier. Les écoles peuvent s’assurer de façon intentionnelle que les élèves noirs disposent des occasions dont ils sont besoin pour soutenir leurs besoins scolaires individuels afin qu’ils ne soient pas chassés de l’école ou qu’ils ne décrochent à force de découragement. J’ai le sentiment que l’école porte une énorme responsabilité, mais qu’elle a aussi l’espace, le temps et la durée, de la maternelle à la 12e année, pour aider nos élèves à grandir et à se développer comme les beaux enfants qu’ils sont et de faire en sorte que leur caractère noir soit apprécié et estimé.
Toni : En fait, j’ai approché cette question de manière différente. J’ai dû la relire à quelques reprises et je me suis demandée si je connaissais vraiment le sens du mot « commémorer ». Puis je me suis dit, vous savez, il y a beaucoup de choses à dire sur des personnages comme le Dr Martin Luther King, Ruby Bridges, Rosa Parks, Harriet Tubman… Vous les connaissez tous, mais cependant, ce sont tous des Américains. De nombreuses commémorations se déroulent pendant le Mois de l’histoire des Noirs pour des personnages noirs qui ont eu une grande influence dans l’histoire, mais dans bien des cas, ce sont toujours les mêmes noms qui reviennent. Je me demande pourquoi il en est ainsi et selon moi, cela s’explique parce que c’est toujours le même genre de personnes qui sont responsables de la commémoration de l’histoire des Noirs et que ce sont toujours les mêmes 10 ou 15 noms qui ressortent lorsque vous cherchez dans un moteur de recherche le nom de héros noirs. Je crois que nous devons centrer cette discussion sur les voix des Noirs, les points de vue des Noirs et des élèves noirs, et cela va se produire en favorisant la participation et en amplifiant la voix des élèves noirs, des familles, des communautés avec lesquels nous travaillons. Vous ne pouvez pas commencer de telles commémorations si vous n’êtes pas en relation avec ces voix à la table qui mènent la discussion. Autrement, nous poursuivons le même narratif qui souligne les mêmes héros noirs ou les mêmes personnages historiques noirs pendant ce mois.
Mais nous avons l’occasion de faire les choses différemment, de tisser des relations avec les élèves noirs ainsi qu’avec leurs familles et leurs communautés; de les comprendre et de commencer les célébrations à partir de ce point.
Séparés, mais marchant côte à côte. Il y a déjà tellement d’élèves noirs brillants dans nos écoles, je n’ai pas besoin de vous dire où commencer. Pour répondre à cette question, les voix et les personnes sont déjà présentes et prêtes à entrer en relation; c’est mon point de vue.
Joyce : Je vais renchérir sur ce que tu viens de dire, Toni, car j’ai quelques idées. Mais ensuite, à la fin de mes notes, je me disais que je peux bien proposer une liste, mais ultimement, pour les élèves qui la liraient, je poserais la question, comment voulez-vous être honorés?
Comment voulez-vous que vos expériences soient honorées et mises en lumière? Et comme un encouragement à prendre place à cette table. Mettre la table. Et dites aux gens de quelle manière vous voulez être vus, parce que mes idées viennent de moi et, comme nous quatre ici, nous avons toutes nos expériences uniques et elles s’exprimeraient différemment dans des écoles différentes, avec des élèves différents et c’est quelque chose de précieux. C’est quelque chose de beau. Donc, prendre votre place à la table est quelque chose qui m’est venu à l’esprit lorsque je réfléchissais à ce sujet.
Vous, les élèves noirs… comment voulez-vous être honorés?
Et ensuite, je pensais à la manière dont l’école pourrait mettre en lumière les Noirs de différentes façons, en s’appuyant sur les Canadiens noirs, sur l’héritage des communautés canadiennes noires. Si cet aspect est nouveau pour une école ou pour un membre du personnel scolaire, comprenez que vous devrez probablement jouer le rôle de l’apprenant. Et ce n’est pas grave, soyez à l’aise avec l’inconfort que vous pourriez ressentir. Et vient ensuite cette idée d’agir en alliés et je ne veux pas galvauder le terme. Mais réfléchir à certaines des discussions et à certains des outils que nous avons élaborés comme, par exemple, si vous voyez quelque chose, dites quelque chose; ne pas laisser les méfaits demeurer sans conséquences — sans conversation, nous allons valider les mauvaises expériences et dans ce cas précis, les élèves marginalisés et racisés, comme les élèves noirs, sont habituellement ceux qui ne sont pas validés dans les expériences néfastes qu’ils vivent.
Je me souviens d’une consultation que nous avons eue il y a quelques temps avec des élèves noirs — une trentaine d’élèves qui sont venus discuter avec nous — et l’un des élèves a dit « avoir des conversations malaisantes avec des personnes blanches » et si cela peut se produire avec le personnel scolaire, cela peut se produire entre élèves. Les personnes qui ne sont pas noires doivent faire partie de cet apprentissage et prendre part à la conversation, et lorsqu’un méfait survient, trouver des moyens de reconnaître ces expériences aussi. Donc, il est important de mentionner ces faits.
Oh, et cela se produit toute l’année. Aborder des conversations pour célébrer l’excellence des Noirs doit aller au-delà d’une simple discussion, d’un seul mois ou d’une seule semaine.
Tracey : Wow, que puis-je dire d’autre? Mes collègues ont présenté d’excellents commentaires.
Lorsque je réponds à la question « Qu’est-ce que les conseils scolaires peuvent faire pour célébrer l’excellence des Noirs dans les communautés scolaires? », je réponds « laissez de la place aux élèves pour qu’ils célèbrent leur identité. ». Tout comme Joyce, je dis qu’il faudrait les entendre.
Je crois qu’il s’agit d’aider les élèves à affirmer leur identité. Toutes ces frontières nationales existent, n’est-ce pas? Même lorsque j’étais à l’école secondaire, c’était les Trinidadiens contre les Jamaïcains, contre les personnes des petites îles comme Aruba, Saint-Vincent et je me disais, oula! Cela ressemblait à diviser pour régner, comme si nous venions tous du continent africain. Alors, peut-être même aider les gens à démonter ces compétitions nationales et à se rejoindre sous un même chapiteau.
Vous êtes déjà assez, alors contentez-vous d’être.
On ressent comme un épuisement à célébrer l’excellence des Noirs et cela pourrait être un effet colonial d’une certaine façon, en termes d’avocats, de médecins, de professionnels, de scientifiques. Je pense à un message sur les médias sociaux publié par The Nap Ministry qui dit, tu es déjà assez. Tu es déjà assez excellent. Et tout ce que cette philosophie signifie, contente-toi d’être. Trouve la paix en toi. Parce que lorsqu’on vit cela, vous savez, penser et stresser sur le fait d’atteindre l’excellence, cela vient avec le sentiment que vous n’êtes pas assez bon, qu’il existe quelque chose dans votre identité qui fait que vous n’êtes bon à rien.
Alors, vous savez quoi? Je suis déjà suffisamment excellente, voilà comment affirmer qui vous êtes. Vous êtes déjà assez, alors contentez-vous d’être.
Merci d’avoir lu le troisième volet de cette série de quatre volets. Jetez un coup d’œil au prochain article de blogue dans lequel nous posons les questions suivantes à Patricia, Tracey, Toni et Joyce : « Pourquoi est-ce important que les écoles reconnaissent le racisme envers les Noirs, l’esclavage des Africains, la joie noire et l’excellence noire?
Cette conversation a été facilitée par Elo Igor et Alina Medeiros.