Avez-vous besoin d'aide maintenant?

Nous n’offrons pas de conseils, de consultations ni de traitements en matière de santé mentale. Si une personne que vous connaissez ou vous-même êtes en état de crise, veuillez communiquer avec l’équipe d’intervention d’urgence de votre communauté locale. Vous pouvez également appeler la Ligne d’écoute d’espoir pour le mieux être des Autochtones au 1 855 242-3310, le Service d’aide téléphonique pour les jeunes Noirs ( Black Youth Helpline) au 1-833-294-8650 ou Jeunesse, j’écoute au 1-800-668-6868.

Lettre d’amour aux élèves noirs : 4e volet

Ce fut un honneur et un privilège absolu de participer à une conversation avec quatre collègues noires qui incarnent l’excellence. Patricia Codner, Tracey Grose, Toni Lauzon et Joyce Erogun ont accepté de nous faire part de certaines de leurs expériences et de nous communiquer des paroles de sagesse. Cette conversation a reflété des expériences diversifiées. Elle a démontré que la noirceur n’est pas monolithique et que l’unité réside dans la reconnaissance de nos similitudes et de nos différences, qui doivent toutes être célébrées.

Cet article de blogue est le quatrième et dernier d’une série de quatre articles tirés de cette conversation.

Faites la connaissance de nos collègues.

Patricia holding a sign - Be bold, be courageous, and know that you matter

Patricia Codner

Je me nomme Patricia Codner et je travaille actuellement à titre de consultante en littératie et en matière d’engagement des parents et des aidants naturels au sein de Santé mentale en milieu scolaire Ontario, détachée* du Halton Catholic District School Board en tant que responsable des services sociaux. Je suis une femme noire. Je suis une fille, une mère, une épouse, une tante, une amie et une collègue.

Joyce tenant une pancarte - Black is diverse be you (Noir est divers)

Joyce Erogun

Je m’appelle Joyce Erogun. Je suis consultante à Santé mentale en milieu scolaire Ontario, où je joue le rôle de responsable d’équipe en matière d’engagement des élèves, des parents et des aidants naturels. Mes pronoms sont elle/elle. Je suis une femme canadienne de première génération d’origine nigérienne. Je suis une sœur aînée, une amie et une conjointe.

Toni tenant une pancarte - Les étudiants noirs comptent

Toni Lauzon

Toni Lauzon. Mes pronoms sont elle/elle. Je me définis en tant qu’Afro-Autochtone, soit Noire et Mi’kmaw, pour être plus précise. Je suis une consultante en matière d’équité et d’affirmation identitaire dans le cadre de la santé mentale et une coach de soutien à la mise en œuvre ici à Santé mentale en milieu scolaire Ontario détachée* du Greater Essex District School Board.

Tracey tenant un panneau - Étudiant noir, je te vois. Tu es suffisant.

Tracey Grose

Je me nomme Tracey Grose et je travaille à titre de travailleuse sociale en milieu scolaire depuis plus de 20 ans à Whitby, Ontario. Je suis une femme cisgenre et j’utilise les pronoms elle/elle. De descendance jamaïcaine, je suis consultante en matière de pratiques adaptées à la culture et une coach de soutien à la mise en œuvre ici à Santé mentale en milieu scolaire Ontario, détachée* du Durham District School Board.

*Détachée signifie que la personne travaille temporairement pour Santé mentale en milieu scolaire Ontario tout en étant considérée comme une employée de son conseil scolaire. Ce programme est semblable à un programme d’échange en milieu scolaire.

Pourquoi est-il important que les écoles reconnaissent le racisme anti-Noirs, l’esclavage des Africains, la joie des Noirs et l’excellence des Noirs?

Patricia: Dans la communauté noire, nous connaissons la valeur d’être ensemble, ce qui, à l’époque coloniale, constituait une menace. On séparait les gens de leurs êtres chers et de leurs enfants, et cela les asservissait encore davantage. C’est pourquoi je pense qu’il est très important que les écoles reconnaissent le racisme anti-Noirs, l’esclavage des Africains, la joie des Noirs et l’excellence des Noirs. Comme nous l’avons dit, il est essentiel de profiter du temps dont nous disposons maintenant pour en parler, car si nous ne modifions pas le récit pour que les gens comprennent ce que nous avons vécu et les incidences de ces expériences, ils ne seront pas en mesure de nous comprendre ni de nous voir dans notre gloire. 

Il est important que les écoles reconnaissent et enseignent l’histoire des Noirs à l’échelle mondiale, qui est une conséquence directe du colonialisme. Il faut que les Blancs fassent le lien, ne croyez-vous pas? Il ne s’agit pas nécessairement des personnes noires. C’est l’asservissement par les Blancs qui a favorisé l’avènement d’une mentalité psychologique et sociale selon laquelle les Noirs sont inférieurs aux Blancs. C’est essentiellement ce qui s’est passé, et cette mentalité est encore bien ancrée aujourd’hui. 

Le colorisme constitue maintenant un problème. Plus la couleur de votre peau est claire, plus votre statut est élevé, et cette attitude discriminatoire est présente en Jamaïque ainsi que dans beaucoup de pays des Caraïbes. Le colonialisme nous a dépouillés de notre identité, de notre fierté, de nos façons naturelles d’être et de notre capacité d’épanouissement dans tous les aspects de notre vie. 

Ce n’est pas que nous ne sommes pas compétents, mais les systèmes ne nous permettent pas d’être, de naviguer librement, d’agir, de parler et de nous comporter de manière naturelle. Cela crée de la détresse et l’envie de se faire du mal. Cela crée un état d’esprit qui nous fait nous comporter de façons qui diffèrent de qui nous sommes vraiment.  

Si nous regardons nos jeunes hommes noirs à l’heure actuelle, et je parle ici de Toronto, nous voyons qu’ils sont lourdement handicapés par l’héritage de l’esclavage et que la société les enferme dans le paradigme de sous-humain. Cela crée un discours dans lequel il est très, très difficile de prospérer et de s’épanouir. Et donc, comme les écoles sont des lieux d’apprentissage ou d’enseignement, il est très important qu’elles examinent l’histoire en profondeur pour acquérir des connaissances et une compréhension de la manière dont elles influencent la façon dont les garçons noirs agissent aujourd’hui. 

Nous savons que les systèmes ont été bâtis sur le racisme systémique. Il a été érigé de façon délibérée, au point qu’il passe inaperçu, tant il fait partie des pierres d’assise de notre édifice social.  

Il faut reconnaître que nous ne disposons pas des mêmes occasions d’apprentissage que les Blancs en général et que nous n’avons pas accès à tout ce qui permet aux Blancs de s’épanouir dans la société – nous devons nommer ces choses. C’est ce qui influence les différents résultats des élèves dans le système. Il n’est pas conçu pour nos élèves. Le racisme systémique imprègne à un tel point notre tissu social qu’il est difficile de le voir tant qu’il n’est pas dévoilé par ceux qui font la lumière sur ce problème.  

À l’heure actuelle, nous avons des enfants – des parents noirs… Bon, je deviens émotive… Mais les parents et les aidants naturels d’enfants noirs sont ceux qui lèvent le voile sur le système, qui parlent notamment de ce que subissent les enfants noirs depuis des siècles. Maintenant que nous profitons d’un mouvement de défense des intérêts, le racisme systémique est étalé au grand jour, et nous pouvons le nommer. C’est pourquoi il est important d’enseigner l’histoire des Noirs à tous les élèves. Pas seulement les élèves blancs. Tout le monde devrait en apprendre davantage sur ce sujet et s’attaquer au racisme tout au long de l’année scolaire. 

La découverte de la vérité sur l’esclavage aidera les élèves, les parents et les aidants naturels, ce qui a une incidence sur la vie des Noirs et sert à éradiquer le racisme à leur égard. Elle profitera à tous les élèves et transformera les écoles en un lieu où les élèves noirs se sentiront inclus, reconnus et appréciés. 

En outre, elle aidera à contrer les attentes trop faibles de la société à l’égard des élèves noirs. L’histoire des Noirs permet de découvrir les contributions et les réalisations des Noirs qui ont joué un rôle dans la croissance et le développement de notre pays. De plus, nous espérons que ce type d’apprentissage favorisera aussi la compréhension d’autres personnes racisées et la compassion à leur égard. 


Toni: Je crois que la reconnaissance de l’esclavage des Noirs et du racisme anti-Noirs est essentielle dans le milieu scolaire, car historiquement, notre pays a été une terre d’asile pour les esclaves des États-Unis. Asile que nous avons offert grâce au chemin de fer clandestin; lueur d’espoir pour les esclaves des États-Unis. Toutefois, notre histoire ne tient pas compte de la vérité, et si nous ne la mettons pas en évidence à chaque occasion, elle peut facilement être ignorée. Vous savez, nous devons mettre en lumière le fait que notre pays refuse d’assumer ses torts ou de verser des dommages et intérêts pour les torts causés. C’est pourquoi il est important que les écoles reconnaissent l’histoire du Canada, qui a asservi des Noirs pendant plus de 200 ans. Évidemment, cette histoire d’esclavage, de ségrégation raciale, de marginalisation et d’exclusion des Noirs a laissé un héritage de racisme anti-Noirs. Ces choses sont interconnectées, et nous devons en parler conjointement. On ne peut parler d’asservissement sans parler de racisme anti-Noirs. Nous savons que le racisme est un legs de l’esclavage. N’est-ce pas? L’esclavage est né et le racisme a été créé pour le justifier. Il est essentiel que ces éléments soient examinés dans leur ensemble, car si nous ne comprenons pas la vérité et que nous n’allons pas de l’avant avec des solutions qui reconnaissent, nomment, et comprennent que c’était là la réalité et que ce l’est encore, ces dernières n’auront pas d’incidences. On ne peut pas appliquer une solution temporaire sur quelque chose qui nécessite qu’on fasse sauter la cabane pour tout rebâtir. 

[…] l’histoire de notre pays ne tient pas compte de la vérité, et si nous ne la mettons pas en évidence à chaque occasion, elle peut facilement être ignorée.

Je crois donc que nous devons approfondir notre compréhension. 

Quand je pense à l’excellence et la joie des Noirs, l’une des choses que je trouve difficile est qu’on parle souvent de ces sujets dans le contexte de l’esclavage et du racisme anti-Noirs. Je perçois le genre d’affirmation suivante : « Les Noirs sont excellents et brillants, en raison de la résilience dont ils font preuve malgré cette histoire ». Je réfute cette affirmation. Nous sommes excellents et brillants, un point c’est tout.  

Je pense évidemment que l’excellence des Noirs a du mérite et que la joie des Noirs doit être célébrée en tout temps. Je crois cependant qu’elles n’ont pas toujours besoin d’être associées à l’histoire de l’esclavage des Noirs et aux réalités du racisme anti-Noirs.


Tracey: C’est un très bon point. Je crois que nous devrions reconnaître le racisme anti-Noirs dans le milieu de l’éducation, car je sais que chaque fois que je participe à un événement, et que nous commençons par prendre acte de l’esclavage des Noirs, de la joie des Noirs et de l’excellence des Noirs, je me dis « bon d’accord », et je sens mes épaules descendre. J’ai l’impression d’être accueillie et comprise. On me voit. Je suis ici. Le fait de reconnaître cette histoire valide l’héritage de la ségrégation dans les écoles de l’Ontario.  

Je me souviens de la première fois que j’ai entendu dire qu’il y avait eu des écoles soumises à la ségrégation dans notre beau pays du Canada! Quoi? Les Canadiens sont reconnus pour leur grande gentillesse. On met un petit drapeau du Canada sur notre valise quand on voyage, car tout le monde aime les Canadiens. Toutefois, le Canada a un passé sombre. 

Il est important de reconnaître cette vérité, car elle ne fait que préparer le terrain en commençant par la réalité. Comme l’ont dit Patricia et Toni, il s’agit des fondements sur lesquels nous allons lancer ce processus. Nous n’allons pas commencer par des mensonges.  

Ensuite, nous célébrerons la joie et l’excellence des Noirs. En fait, ça concorde assez bien avec l’idée de résilience. En dépit de. Mais ce n’est pas là que notre histoire a commencé. Au moins, nous parlons de quelque chose qui a été tu et qui n’a pas été exprimé pendant la majeure partie de mon histoire éducative au Canada, n’est-ce pas? Nous sommes censés célébrer le multiculturalisme et chanter « Kumbaya ». Eh bien, ça ne raconte pas vraiment toute l’histoire. Reconnaître ces vérités nous ramène au début, à la réalité, à la vérité.


Joyce: J’ai l’impression que tout le monde a dit tout ce qu’on pouvait dire ici, car quand j’ai lu cette question, mes premières pensées ont été : « Allons-nous juste prétendre que tout va bien? Comment l’école peut-elle ne pas reconnaître le racisme anti-Noirs, l’esclavage des Africains, la joie des Noirs et l’excellence des Noirs? » En outre, si nous ne reconnaissons pas ces choses, alors sur qui et sur quelles expériences sont centrées nos écoles? 

En Ontario, nous parlons souvent d’écoles qui favorisent la santé mentale, et, pour moi, cela veut dire que les jeunes peuvent entrer à l’école et se sentir appuyés, et sentir que leur identité et leur être intégral sont soutenus et reconnus. Et donc, la même chose pourrait être dite des élèves noirs et de leur existence, de leur histoire et du fait que la joie et l’excellence existent dans cette communauté incroyable. Nous avons déjà parlé de toutes ces choses. 

Et les points qu’a apportés Toni sur la distinction de ces concepts sont intéressants, car quand je réfléchissais, je me suis dit « en dépit de cela, nous avons aussi… », et je n’arrêtais pas de revenir là-dessus. Et je refuse de faire cela! Nous pouvons parler de la joie et de l’excellence des Noirs tous les jours de l’année, et ce n’est pas forcément à cause de ce que nous avons traversé ou de l’esclavage. Ces choses peuvent simplement être, et c’est valable aussi. 

Bref, beaucoup de matière à réflexion. Merci à toutes d’avoir fait part de vos idées.  


Patricia: J’apprécie vraiment certaines nouvelles réflexions qu’ont partagées Toni, Tracey et Joyce. Je veux simplement revenir sur le sujet, car il permet d’enchaîner sur ce que les écoles peuvent faire pour commémorer…  

Je crois que quand je… et je dis souvent « en dépit », car vraiment, en fait, quand je le dis cela renvoie au fait que nous sommes capables de nous élever en dépit de ce discours horrible qui a été créé pour nous écraser, et, qu’en fait, il amplifie réellement notre pouvoir, notre force et notre être intérieur, car il aurait vraiment pu nous écraser au point de non-existence, donc je le vois de ce point de vue. 

Quand on pense à quel point l’esclavage était horrible, c’est comme pour les Autochtones, quand on voulait « tuer l’Indien dans l’enfant ». Et pourtant, malgré cela, ils se sont insurgés contre leurs agresseurs. Il en va de même pour moi quand je pense à l’esclavage.  

Mais c’est là l’impact. C’est ainsi que la trajectoire de leur vie a été modifiée, et c’est pourquoi je veux que les enseignants reconnaissent leur rôle et le fait qu’ils peuvent causer du tort s’ils ne le font pas. Mon peuple a causé du tort. Ce que je fais a causé du tort. Ils n’assument pas leurs responsabilités. Ils ne font que répéter « Eh bien, si les élèves se pliaient aux règles, s’ils étudiaient ou s’ils faisaient seulement ce qu’ils ont à faire… ». Je suis reconnaissante des nouvelles réflexions que vous nous avez partagées et je vais y réfléchir davantage.


Merci Patricia, Tracey, Toni et Joyce d’avoir partagé vos réflexions avec nous. Chaque mot exprimait un sentiment de vulnérabilité et de bienveillance. Nous apprécions votre travail, votre temps et votre amour.  

Aux élèves noirs de l’Ontario : nous espérons qu’après avoir lu ces articles, vous vous sentirez vus et reconnus. Continuez de briller, le monde a besoin de votre éclat. Votre santé mentale est importante.  

À tous les élèves de la province : nous espérons que ces articles ont rempli votre cœur et vous ont permis d’obtenir des renseignements supplémentaires à utiliser tout au long de votre parcours d’apprentissage.  

Merci de les avoir lus. 

Cette conversation a été animée par Elo Igor et Alina Medeiros.