L’importance des petites affirmations : L’histoire de Juno
En décembre 2022, quelques élèves de Pros’pairs SMS ont participé à la rencontre de leadership provincial (RLP) de Santé mentale en milieu scolaire Ontario. La RLP est une réunion qui a lieu deux fois par an et qui rassemble les équipes de leadership en santé mentale des conseils scolaires. Nous avons donc demandé à ces élèves de partager avec le public ce que signifie réellement pour eux l’affirmation identitaire en matière de santé mentale. Pour répondre à cette question, Juno parle de petits gestes posés, qui contribuent grandement à renforcer l’identité des élèves. Voici son histoire.
Écoute un extrait audio de Juno qui raconte l’histoire (en anglais), ou lis le texte ci-dessous.
Chaque fois que j’entends parler de l’affirmation identitaire en matière de santé mentale, je me souviens d’une revue que j’ai lue, qui s’intitule « Handbook of Child and Adolescent Sexuality » (Manuel de la sexualité de l’enfant et de l’adolescent) et qui a été écrite par Lisa M. Diamond. Dans le chapitre 11 de ce livre, elle explore en profondeur les effets précoces sur la santé mentale auxquels font face les jeunes issus des minorités. Diamond se penche sur le lien qui existe entre l’acceptation et l’affirmation identitaire ainsi que les résultats positifs en matière de santé mentale.
Dans une section du chapitre intitulé « exposition à la stigmatisation » figure la citation suivante :
« Tant que les personnes transgenres seront obligées de cheminer dans le monde scolaire et familial avec une peur permanente et débilitante liée à la stigmatisation, à l’ostracisme, à l’humiliation et à la violence physique, elles ne pourront pas développer un bon sentiment d’autodétermination »
[traduction libre]. Voilà ce que signifie pour moi l’affirmation identitaire en matière de santé mentale.
Le modèle de stress des minorités
Pour bien comprendre cet énoncé, il faudrait tenir compte du modèle de stress des minorités (Minority Stress Model). Ce modèle a été élaboré au départ pour mieux comprendre les problèmes de santé mentale au sein des communautés queer. C’est I. H. Meyer et D. M. Frost qui ont entièrement conçu et publié ce modèle en 2015.
Le concept de ce modèle repose sur le fait que les groupes minoritaires sont confrontés à différents types de facteurs de stress :
- La première catégorie est constituée des facteurs de stress distaux et externes. Il s’agit de facteurs environnementaux. Par exemple, le fait d’être exposé à la discrimination et à la violence motivée par la haine est un facteur de stress externe.
- Le facteur de stress suivant est interactif, proximal. Il s’agit notamment d’anticiper ou de s’attendre à des facteurs de stress externes, ainsi que de faire preuve de vigilance pour se protéger de tels facteurs.
- Le dernier agent stressant est l’intériorisation des facteurs de stress proximaux. Il s’agit ici du processus d’intériorisation par une personne des attitudes négatives et des préjugés de la société.
Même si ce modèle a été conçu au départ pour les communautés queer, il peut s’appliquer à tous les groupes marginalisés.
En quoi consiste mon propos?
Ce que je veux dire, c’est qu’un tel niveau de stress, en particulier chez les adolescents, est mauvais pour la santé mentale. Cependant, il ne faut pas perdre espoir, car il existe des moyens d’y remédier.
Si l’on se réfère au modèle de stress des minorités, il est clair que l’acceptation et l’affirmation de l’identité sont très utiles pour les communautés marginalisées. L’une des causes évidentes de stress dans cette recherche est le manque d’espaces sécurisés et confortables.
Je pense que l’affirmation de l’identité est un élément clé qui fait de l’école un espace sûr et accueillant pour les élèves issus des minorités.
Mais que faut-il faire pour y parvenir?
C’est très simple. Il suffit simplement d’accepter et de comprendre l’identité de l’élève, de lui présenter des modèles qui le représentent ou auxquels il peut s’identifier, mais aussi de créer un climat de confiance auprès de chaque élève et d’animer une classe qui accueille tous les élèves avec le même enthousiasme, peu importe leur identité et leur origine. Même si ces choses peuvent sembler insignifiantes, les élèves savent les apprécier plus que vous ne pouvez l’imaginer.
Si je prends l’exemple de ma propre vie, j’ai eu de nombreuses expériences désagréables en classe. Mais la chose qui me revient le plus en tête, c’est lorsque mon enseignant de huitième année a demandé à la classe de lire un livre mettant en scène une personne atteinte du syndrome de Gilles de la Tourette et de troubles obsessionnels compulsifs. Je me souviens encore du sentiment d’euphorie profonde que j’ai éprouvé. C’était excitant de voir quelqu’un comme moi être le personnage principal d’un roman policier et non d’une revue médicale.
En effet, mon enseignant avait choisi ce livre rien que pour moi. L’idée de savoir qu’elle avait délibérément choisi de me donner l’impression d’être considéré et représenté me rassurait.
Alors, si les enseignants de toute la province s’efforçaient de faire la même chose pour leurs élèves, l’école deviendrait un lieu beaucoup plus sécuritaire.
Au final, ces histoires devraient servir à mieux comprendre à quel point ces petites affirmations sont importantes pour les élèves marginalisés. C’est ce que représente pour moi l’affirmation de l’identité.